202004.28
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Le Juge des enfants et le Juge aux Affaires Familiales : des compétences complémentaires

Au sein du Tribunal Judiciaire, le Juge aux Affaires Familiales et le Juge des Enfants interviennent pour assurer la protection de l’enfance.

Le Juge aux Affaires Familiales est spécialisé dans le droit de la famille. Il intervient donc en cas de conflit dans le cercle familial à plusieurs titres :

  • en cas de divorce contentieux ;
  • en cas de conflit dans l’exercice de l’autorité parentale ;
  • en cas de conflit dans les relations enfants / grands parents ;
  • en cas de conflits liés à l’obligation alimentaire ;
  • sur le plan civil, pour les victimes de violences commises au sein d’un couple ;
  • dans le cadre des procédures de tutelle des mineurs.

Le Juge des Enfants intervient auprès des mineurs :

  • au plan civil afin de les protéger lorsque leur environnement familial et social menace leur santé, leur sécurité ou leur moralité ou qu’il compromet leur éducation.
  • au plan pénal, il intervient lorsque le mineur est présumé auteur d’une infraction.

L’intervention du juge des enfants et du juge aux affaires familiales avec leurs compétences propres s’inscrivent, de manière complémentaire, dans le champ de la protection de l’enfant.

  1. Des compétences propres

A) Le Juge aux Affaires Familiales

En cas de séparation du couple, le Juge aux Affaires Familiales devra se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale.

L’article 371-1 du code civil définit l’autorité parentale de la manière suivante :

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.

Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.

Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Les père et mère sont donc responsables de leurs enfants notamment sur les questions relatives à leur santé, leur sécurité, leur moralité et leur éducation ainsi que sur leurs biens.

La loi n°87-570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale a étendu le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale (article 372 du code civil).1

Ainsi, la séparation des époux est sans incidence sur l’autorité parentale.

Le Juge aux Affaires Familiales sera donc amené à se prononcer sur la résidence de l’enfant, les modalités du droit de visite et d’hébergement, la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant mais également sur l’opportunité d’une interdiction de sortie du territoire sans l’accord des deux parents.

Le Juge aux Affaires Familiales statue sur l’exercice de l’autorité parentale lorsqu’il est saisi par l’un des deux parents ou les deux. Si les parents sont en conflit et ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les modalités de cet exercice, ils présentent chacun leurs demandes et c’est le Juge aux Affaires Familiales qui tranchent.

Lorsque les parents sont d’accord sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, ils peuvent solliciter le Juge aux Affaires Familiales afin qu’il homologue la convention établie entre eux. Ce dernier homologuera la convention sauf si elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt des enfants (article 373-2-7 du code civil).2

Enfin, le Juge aux Affaires Familiales peut être saisi par le Procureur de la République (lui même saisi par un tiers, parent ou non) afin de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale (article 373-2-8 du code civil)3.

L’enfant ne peut saisir le Juge aux Affaires Familiales de lui-même.

Toutefois, il peut être entendu par le Magistrat tout au long de la procédure4. Le mineur peut être entendu seul, avec un Avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.

Ainsi, l’enfant n’est pas une partie à la procédure mais il est au centre des décisions qui seront prises par le Juge aux Affaires Familiales. Ce dernier doit veiller spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

L’intérêt supérieur de l’Enfant est également recherché par le Juge des Enfants.

B) Le Juge des Enfants

Le Juge des Enfants intervient pour protéger les mineurs lorsque « la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou les conditions de son éducation sont gravement compromises » (article 375 du code civil).5

Son intervention est donc soumise à deux conditions : la minorité de l’enfant et l’existence d’une situation de danger.

Ce Magistrat peut être saisi par les père et mère des enfants ou par leurs gardiens ou tuteurs ou encore par le Procureur de la République.

Contrairement au Juge aux Affaires Familiales, le Juge des Enfants peut, à titre exceptionnel, se saisir d’office lorsqu’une information préoccupante est portée à sa connaissance.

Enfin, il peut être saisi par le mineur lui-même.

S’il l’estime nécessaire, le Juge des Enfants pourra décider soit d’instaurer une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert soit de son placement (auprès d’un parent ou d’un tiers si les parents ne peuvent assurer sa prise en charge).

La mesure d’assistance éducative doit avant tout permettre au mineur de se maintenir dans son milieu actuel tout en désignant un tiers (soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation), pour apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre.

Lorsque la situation du mineur ne permet pas un maintien dans son milieu actuel; le Juge des Enfants peut décider de le confier :

1° A l’autre parent ;

2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;

4° A un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;

5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé.

La décision prise par le Juge des Enfants aura une durée limitée qui ne peut excéder deux ans et son renouvellement ne peut intervenir que sur décision motivée.

En tout état de cause, cette décision peut être modifiée à tout moment par le Juge des Enfants6, sur demande :

  • des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux,
  • de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur,
  • du mineur lui-même ou du ministère public.

Dans le cadre de cette procédure, l’Avocat n’est pas obligatoire. Toutefois, l’Avocat pourra prendre connaissance du dossier, conseiller son client et l’assister au cours de l’audience.

Par ailleurs, le mineur peut lui-même bénéficier de l’assistance d’un Avocat s’il le souhaite ou si le Magistrat l’estime nécessaire.

Finalement, le Juge des Enfants tout comme le Juge aux Affaires Familiales est amené à prendre des décisions qui ont pour vocation première de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant et donc la prise en compte de ses besoins fondamentaux.

C’est la raison pour laquelle ces deux Magistrats, avec des critères d’intervention distincts exercent de manière complémentaire.

  1. Des compétences complémentaires

A) Une communication nécessaire dans la prise de décision

Afin d’assurer une cohérence entre les décisions du Juge aux Affaires Familiales et du Juge des Enfants, le législateur a institué une véritable communication entre les services.

Ainsi, lorsqu’il doit statuer sur l’exercice de l’autorité parentale, le Juge aux Affaires Familiales vérifie si une procédure d’assistance éducative est ouverte à l’égard du ou des mineurs (article 1072-1 du code civil)7.

Si tel est le cas, il pourra demander au Juge des Enfants la communication de certaines pièces du dossier d’assistance éducative.

Le Juge des Enfants pourra adresser les pièces sollicitées à condition que les parties à la procédure devant le Juge aux Affaires Familiales aient qualité pour consulter le dossier (principalement les père, mère et mineur capable de discernement ou personne ou service à qui l’enfant a été confié).

Il pourra refuser cette transmission ou celle de certaines pièces lorsqu’il estime que leur production ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers (article 1187-1 du code de procédure civile).

De plus, lorsqu’une procédure d’assistance éducative est ouverte à l’égard du mineur, une copie de la décision du Juge aux Affaires Familiales est transmise au Juge des Enfants ainsi que toute pièce que ce dernier estime utile (article 1072-2 du code de procédure civile).

Enfin, il convient également de rappeler que les parents peuvent également s’appuyer sur la décision rendue par le Juge des Enfants pour solliciter une modification de la résidence de l’enfant ou du droit de visite et d’hébergement devant le Juge aux Affaires Familiales.

Ce partage d’informations doit avant tout permettre d’assurer au(x) mineur(s) un environnement stable et sécurisant.

B) Des compétences partagées

Si le Juge aux Affaires Familiales et le Juge des Enfants ont des compétences distinctes, la cohérence de leurs décisions imposent parfois un partage de leurs compétences.

Ainsi, le Juge des Enfants ayant ordonné une mesure d’assistance éducative peut, à titre exceptionnel, prendre une décision relative à l’exercice de l’autorité parentale.

L’article 375-7 du code civil prévoit notamment que le Juge des Enfants peut se prononcer sur l’exercice du droit de visite et d’hébergement et ses modalités lorsque le mineur a été confié à une personne tierce ou un service spécialisé.

A ce titre, la Cour de Cassation a eu l’occasion de sanctionner une Cour d’Appel qui avait estimé que la demande du grand-oncle tendant à se voir octroyer un droit de visite et d’hébergement était irrecevable au motif qu’elle avait été présentée devant le Juge des Enfants et non devant le Juge aux Affaires Familiales. La Cour de Cassation a rappelé que le mineur ayant été confié au Service Départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance, le Juge des Enfants était compétent8. (Cass. 1ere Civ. 9 juin 2010 n°09-13390)

De plus, le Juge des Enfants peut se prononcer sur l’opportunité d’une interdiction de sortie du territoire de l’enfant. Cette décision ne peut excéder deux ans et l’interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées par le Procureur de la République.

Le pouvoir exceptionnel confié au Juge des Enfants ne doit pas pour autant aboutir à contrarier les décisions prises par le Juge aux Affaires Familiales dans le cadre d’une procédure de divorce ou de fixation du droit de visite et d’hébergement des parents.

Aussi, le Juge des Enfants ne peut prendre, au titre de l’assistance éducative, des mesures qui aboutissent à imposer des modalités différentes de droit de visite que celles décidées par le Juge aux Affaires Familiales, que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur est intervenu postérieurement à la décision du Juge aux Affaires Familiales (article 375-3 du code civil).

En outre, le Juge aux Affaires Familiales peut, à titre exceptionnel et si l’intérêt de l’enfant l’exige, notamment lorsqu’un des parents est privé de l’exercice de l’autorité parentale, décider de confier l’enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté.

Toutefois, la Cour de Cassation a eu l’occasion de rappeler que « Seuls les parents et le ministère public, lui-même éventuellement saisi par un tiers, peuvent saisir le juge aux affaires familiales à l’effet de voir confier l’enfant à un tiers en application de l’article 373-3, alinéa 2, du code civil. »9 (Cass. 1ère Civ 25 février 2009. pourvoi n°° 07-14.849)

Force est donc de constater qu’en dehors de toute procédure devant le Juge des Enfants, le Juge aux Affaires Familiales peut également décider de confier le mineur à une tierce personne lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige.

Il existe donc une véritable complémentarité des compétences du Juge des Enfants et du Juge aux Affaires Familiales.

1https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=C5752890AB01EF3429F176E089AAC058.tplgfr27s_3?idArticle=LEGIARTI000024966752&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20160316

2https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006426763&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20020305

3https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=C5752890AB01EF3429F176E089AAC058.tplgfr27s_3?idArticle=LEGIARTI000006426764&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20020305

4– Cour de cassation – Première chambre civile — 24 octobre 2012 – n° 11-18.849

5https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000032207495&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20160316

6 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006426814&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=19870724 *

7https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033740294&cidTexte=LEGITEXT000006070716&dateTexte=20161230

8https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000022340823

9https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000020321228