202005.12
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Violences conjugales : les conditions actualisées de l’ordonnance de protection

L’ordonnance de protection, créée par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010, permet au Juge aux affaires familiales (JAF) de protéger en urgence une victime de violences conjugales tout en statuant sur les mesures relatives à l’exercice de l’autorité parentale et à l’attribution du domicile familial.

1) Conditions requises pour bénéficier de l’ordonnance de protection

L’ordonnance de protection est délivrée, par le JAF, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, « dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ».

Le JAF doit vérifier si les accusations de violences et le sentiment d’insécurité de la partie demanderesse sont, a minima vraisemblables, voire avérés.

Ainsi, la victime doit rapporter la preuve de l’existence des violences alléguées et du danger auquel elle est exposé en justifiant, par exemple, de certificats médicaux attestant des violences, de plaintes, de déclarations de mains courantes, de témoignages et d’attestations de l’entourage, des services sociaux et d’associations, d’éléments relatifs à l’existence d’une procédure pénale en cours et de courriels et de messages adressés par l’auteur des violences.

Conformément à l’article 515-9 du Code civil, les bénéficiaires d’une ordonnance de protection sont les victimes de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin qui mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants.

Cette procédure d’urgence vise à protéger les victimes de violences conjugales indépendamment de l’existence d’une procédure pénale, que ce soit un dépôt de plainte ou une condamnation pénale, ou d’une procédure de divorce.

En effet, la délivrance de l’ordonnance de protection n’était pas conditionnée par l’existence d’une plainte pénale préalable et d’une cohabitation actuelle ou ancienne entre l’auteur et la victime des violences[1].

2) Procédure de l’ordonnance de protection

L’article 515-10 du Code civil précise que le JAF qui délivre l’ordonnance de protection est saisi par la personne en danger, si besoin assistée, ou, avec l’accord de celle-ci, par le ministère public.

Dès la réception de la demande d’ordonnance de protection, le juge convoque, par tous moyens adaptés, pour une audience, la partie demanderesse et la partie défenderesse, assistées, le cas échéant, d’un avocat, ainsi que le ministère public à fin d’avis. 

Afin d’éviter des pressions sur les victimes, les auditions des parties par le JAF peuvent avoir lieu séparément si la partie demanderesse le demande.

L’ordonnance de protection est délivrée, par le JAF, dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, « qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ».

3) Les mesures de protection ordonnées par le JAF

A l’occasion de la délivrance de l’ordonnance de protection, le JAF est compétent pour ordonner les mesures suivantes :

– interdire d’entrer en contact avec la victime des violences conjugales ;

– interdire de se rendre dans certains lieux dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ;

– interdire de porter ou de détenir une arme ;

– statuer sur la résidence séparée des époux, sur le logement commun et attribuer à la demande du conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, la jouissance du logement conjugal ;

– statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale (modalités du droit de visite et d’hébergement, ainsi que, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés)

– autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie.

En outre, la loi n°2019-1480 du 28 décembre 2019 a ajouté l’article 515-11-1 du Code civil qui dispose que lorsque l’interdiction d’entrer en contact a été prononcée, « le juge aux affaires familiales peut ordonner, après avoir recueilli le consentement des deux parties, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance ».

 En cas de refus de la partie défenderesse faisant obstacle au prononcé de cette mesure, le JAF en avise immédiatement le procureur de la République.

Le jJAF peut également proposer à l’auteur des violences une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes.

4) L’exécution de l’ordonnance de protection

Les articles 1136-7 et 1136-11 du Code civil précisent que l’ordonnance de protection est exécutoire à titre provisoire à moins que le juge en dispose autrement et qu’elle est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours suivant sa notification.

Il est également précisé que l’ordonnance fixe la durée des mesures de protection et qu’à défaut, celles-ci prennent fin à l’issue d’un délai de six mois suivant la notification de l’ordonnance.

Toutefois, le bénéficiaire d’une ordonnance de protection peut prolonger les effets des mesures de protection au-delà du délai de 6 mois si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale.

Enfin, le JAF peut, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une ou l’autre des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d’instruction utile, et après avoir invité chacune d’entre elles à s’exprimer, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection, en décider de nouvelles, accorder à la personne défenderesse une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées ou rapporter l’ordonnance de protection.

5) Le non respect de l’ordonnance de protection

Conformément à l’article 227-4-2 du Code pénal, « le fait, pour une personne faisant l’objet d’une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection rendue en application des articles 515-9 ou 515-13 du code civil, de ne pas se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».