L’épidémie de coronavirus (Covid 19) et le droit du travail
L’épidémie de coronavirus a fortement fragilisé les entreprises en raison des mesures drastiques prises par le gouvernement visant à limiter la propagation du Covid 19 telles que la fermeture de tous les commerces jugés non essentiels et le confinement de la population.
Ce dispositif de prévention sanitaire s’est également accompagné de mesures d’exception qui dérogent à certaines dispositions du Code du travail notamment sur la prise de congés payés (1) et de RTT (2).
En revanche, la procédure en matière de licenciement demeure inchangée (3).
Dans ce même contexte de crise sanitaire, nous reviendrons également sur l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur (4) et sur l’exercice du droit de retrait des salariés (5).
1) Les congés payés imposés ou modifiés par l’employeur pendant la crise sanitaire
Afin de faire face à l’épidémie de Covid 19, le gouvernement a permis aux employeurs d’imposer des congés payés aux salariés (reliquat ou nouveaux congés) ou de modifier les dates de congés payés qu’il aurait validé préalablement en dérogeant ainsi aux dispositions du Code du travail et aux accords collectifs (accord d’entreprise, convention collective).
En effet, l’article 1 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 prévoit que « l’employeur est autorisé à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, où à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés ».
Plus précisément, l’employeur peut donc imposer au salarié la prise de congés payés où la modification de ses dates de congés payés dans la limite de six jours et sous réserve du respect d’un délai de prévenance d’au moins un jour franc.
Cette faculté est toutefois soumise à l’application d’un accord entreprise, où, à défaut, d’un accord de branche et cette période de congés imposée où modifiée par l’employeur ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
2) Les jours RTT, jours de repos liés au forfait jour et jours placés sur un compte épargne temps (CET)
Les articles 2, 3, 4 et 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précisent que les employeurs peuvent également « lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie » imposer à leurs salariés où déplacer des jours RTT, des jours de repos liés au forfait jours et des jours placés sur un compte épargne temps (CET).
Néanmoins, le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer aux salariés la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à 10 jours.
En outre, l’employeur devra respecter un délai de préavis minimum d’un jour franc
Cette faculté n’est pas soumise à l’application d’un accord collectif et cette période de jours RTT ou de repos imposée où modifiée par l’employeur ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
3) La rupture du contrat de travail pendant l’épidémie de coronavirus
Si, à la différence de l’Espagne, le gouvernement français n’a pas interdit les licenciements pendant la crise sanitaire, il tente néanmoins de limiter les ruptures de contrat de travail à travers les mesures d’aménagement du temps de travail précitées en sus notamment du recours exceptionnel au chômage partiel, du report intégral ou partiel des cotisations sociales et des impôts, de la généralisation du télétravail et de l’arrêt maladie lié à la garde des enfants.
Il reste que les règles procédurales concernant le licenciement pour motif personnel restent inchangées.
Pour rappel, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre décharge et cette lettre doit nécessairement comporter les informations suivantes : l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister durant l’entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou par un représentant du personnel.
La date de l’entretien doit être prévue au moins 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre de convocation et l’employeur indique au salarié, au cours de cet entretien, les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
Conformément à l’article 1232-6 du Code du travail, l’employeur doit notifier le licenciement au salarié par LRAR au moins 2 jours ouvrables après la date de l’entretien préalable.
S’agissant des licenciements pour motif disciplinaire, le délai légal maximal de notification du licenciement est fixé à un mois à compter de l’entretien préalable et le non respect de ce délai impératif rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement doit énoncer chaque motif justifiant le licenciement.
4) L’obligation de sécurité de l’employeur pendant la crise du Covid 19
L’article 4121-1 du Code du travail dispose : « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et des moyens adaptés » et l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Une obligation de prévention du risque de contamination par le Covid 19 pèse sur l’employeur au titre de son obligation de sécurité.
Aussi, il incombe à l’employeur dans la situation sanitaire actuelle :
- de procéder à l’évaluation des risques sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer afin de déterminer les mesures de prévention les plus pertinentes ;
- d’associer à ce travail les représentants du personnel ;
- de respecter et faire respecter les gestes barrières et les règles de distanciation sociale préconisées par les autorités.
Selon la jurisprudence, il s’agit d’une obligation de moyen renforcée pour l’employeur qui ne pourra s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant qu’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention.
L’employeur doit donc mettre à la disposition des salariés des moyens de protection, les informer régulièrement et de façon actualisée sur la prévention des risques de contamination en rappelant notamment les gestes barrière et les règles de distanciation sociale.
5) Le droit de retrait du salarié pendant la crise sanitaire
L’article L. 4131-1 du Code du travail prévoit que « le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection » et peut se retirer d’une telle situation.
Ainsi, le droit de retrait permet au salarié de quitter son poste de travail ou de refuser de s’y installer sans l’accord de son employeur lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie et la santé du salarié qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection.
À défaut pour l’employeur d’avoir mis en œuvre les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, le salarié pourrait donc user de son droit de retrait.
Le salarié doit néanmoins informer son employeur où un représentant du personnel de l’exercice de son droit de retrait.
L’employeur ne peut effectuer aucune retenue sur salaire ni sanctionner un salarié qui a exercé son droit de retrait de manière légitime.
Toutefois, lorsque les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies, rappelons que le salarié peut s’exposer à des retenues sur salaire ou sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.